Voici comment la municipalité de Bodø a mis en place la supervision numérique et géré la question de la confidentialité
La mise en œuvre et l’utilisation des technologies de sécurité et d’adaptation soulèvent l’importante problématique du respect de la confidentialité et du consentement des patients.
Autant de questions qui peuvent être résolues de différentes manières par la municipalité de Bodø qui s’est attelée à cette tâche et a réussi à développer des solutions satisfaisantes pour résoudre ces questions.
La municipalité de Bodø à l'avant-garde de la supervision numérique
Madame Anette Skogstad, conseillère chez ForUT , explique que le travail relatif aux questions de confidentialité et de protection des données a été entamé à Bodø en 2017, en lien avec l’installation du dispositif de supervision numérique RoomMate.
Le rôle de la municipalité de Bodø a d’ailleurs été central pour le développement du capteur et du service dont les utilisateurs bénéficient aujourd’hui. La municipalité utilise désormais RoomMate pour les soins à domicile mais également dans ses institutions locales (maisons de retraites etc.). Le déploiement du dispositif a commencé au domicile de résidents considérés comme compétents pour donner leur consentement en vue de l’utilisation du dispositif.
La municipalité compte désormais 174 capteurs placés au domicile de résidents dont certains en ont plusieurs. Par ailleurs, 81 chambres de résidents institutionnalisés sont également équipées.
[1] NDT : ForUT est l’équipe qui administre et développe le programme dédié à la technologie du bien-être dans la municipalité de Bodø.
Il faut garantir un ancrage fort auprès du personnel
Selon Madame Skogstad, une bonne information des usagers, de leurs proches ainsi que du personnel est essentielle. Les gardiens de nuit des institutions locales qui effectuent des supervisions depuis un certain temps déjà en sont persuadés.
« Lors du passage à la supervision numérique, il est aussi important de rassurer le personnel. Les veilleurs de nuit avaient par exemple le sentiment de perdre un peu le contrôle au moment du lancement du projet ».
Le suivi rapproché des utilisateurs est également très important au moment de l’installation du dispositif. La supervision numérique améliorera par exemple considérablement le repos nocturne des patients, à condition qu’elle soit testée et ajustée aux besoins des utilisateurs.
Depuis 2019, la municipalité de Bodø a donc réussi l’intégration de RoomMate, à l’aide de la base de données Gerica et de VPK, systèmes norvégiens de gestion électronique des dossiers de santé. Cette stratégie contribue à l’assurance qualité de la documentation. L’enregistrement des évènements dans le dossier électronique des patients donne une vue d’ensemble de la situation et simplifie le travail du personnel soignant et des utilisateurs.
L’acceptation des soins vaut consentement
Au démarrage de l’implémentation de RoomMate en 2017, la municipalité avait créé un formulaire de consentement distinct pour la supervision numérique que l’utilisateur devait signer. Ceci n’a plus court aujourd’hui du moment que l’utilisateur est considéré comme compétent.
En effet, l’une des missions de la municipalité est de fournir des soins de santé aux habitants, ce qui entraîne automatiquement le traitement et la gestion de données de santé et à caractère personnel.
La question de la gestion des données de santé et des dossiers des patients par le personnel de santé est prise en charge par la règlementation en vigueur qui inclue entre autres l’obligation de documentation. Ainsi, la commune dispose du droit de traiter ces informations, pour autant que ce soit dans le but affirmé de fournir des soins de santé.
Le consentement explicite est un consentement écrit, mais qui n’est pas obligatoire. En temps normal, il est nécessaire de l’obtenir pour pouvoir entamer les soins, mais il peut aussi être implicite. Lorsqu’un patient reçoit des soins/un traitement par suite d’une décision médicale sans s’y opposer, cela implique qu’il donne implicitement son accord. À partir du moment où l’utilisateur peut s’opposer à un soin, un consentement séparé devient superflu.
La participation du gouvernement est primordiale
La supervision numérique peut être perçue comme intrusive, en grande partie parce que l'utilisateur ne prend pas activement part au fonctionnement du dispositif (une alerte peut être déclenchée si un patient quitte son lit par exemple).
La municipalité de Bodø a sollicité le gouverneur (1) et le service d’habilitation qui administre les établissements de santé pour une démonstration de la technologie RoomMate. L’objectif était de discuter de la manière dont elle pourrait être utilisée pour les utilisateurs inaptes à donner leur consentement. C’est au gouverneur que revient la décision finale d’utilisation – ou l’interdiction – d’installer le dispositif. De son côté, la municipalité a trouvé cette collaboration très utile tout au long du processus.
[1] NDT : En Norvège, le gouverneur (Statsforvalteren), représente le roi et le gouvernement dans les différents comtés. C'est aussi le nom de l'administration qui lui est rattaché.
Impliquer les proches dès le départ
L’investissement des proches à des fins de réassurance est très important et doit se faire le plus tôt possible durant le processus. En invitant à la compréhension par le biais de démonstrations, il est possible d’entamer un dialogue ouvert sur la façon dont le dispositif fonctionne. La municipalité peut ainsi répondre aux questions des utilisateurs, de leurs proches et fournir une formation de qualité sur le fonctionnement de l’appareil.
Considérations éthiques
Toute mise en œuvre de nouvelles technologies impose une réflexion éthique. Les utilisateurs ont en effet accès à de nouvelles informations et données qui doivent être convenablement traitées. À ce titre, RoomMate dispose d’une solution intégrée de protection de la vie privée et n'est pas conçu pour pouvoir surveiller. Les supervisions s’ensuivent par exemple par l’enregistrement d’une simple note dans le journal apparaissant sous la forme de titres.
La question est de savoir ce qui est le plus envahissant. Est-ce RoomMate qui envoie une alerte lorsqu’un évènement se produit où l’accompagnement permanent par une ou deux personnes au cas où un incident se produirait, ne laissant aucun moment de solitude au patient ? Les résidents institutionnalisés font généralement l’objet d’environ 3 visites par nuit.
« La commune doit procéder à des évaluations, estimer ce qui paraît le plus intrusif, et trouver les solutions les plus adaptées aux besoins des personnes vulnérables ».
Témoignage d’un utilisateur de Bodø
Terje (51 ans) se sent plus en sécurité depuis qu’il a accès à la supervision numérique (anonymisée).
Utilisation de RoomMate dans la commune de Bodø:
Terje souffre d’une déficience intellectuelle modérée, d’une paralysie cérébrale non spécifique, d’une maladie du système nerveux et d'épilepsie. Ses crises d’épilepsie sont parfois généralisées avec risque de chutes et de blessures. Il dispose donc d’une alarme installée dans son lit en cas de crise. Par ailleurs, avant l’installation de RoomMate dans sa chambre, il recevait la visite d’un soignant une fois par heure et ce, durant toute la nuit.
Il estimait ce protocole insuffisant à la bonne gestion de ses soins et ne se sentait par ailleurs pas en sécurité. En effet, en cas de crise, il n'est pas forcément capable de déclencher lui-même l'alerte patient. De plus, la surveillance continue de nuit l’empêchait de dormir correctement (ce qui peut être générateur de crises). Les différents prestataires de soins qui s’occupaient de lui estimaient également que cette organisation ne pouvait perdurer.
C’est dans ce contexte que Terje et ses proches ont été informés des possibilités de supervision numérique offertes par RoomMate. La solution leur a semblée pertinente pour le suivi de ses soins et ils ont également estimé qu’il était compétent pour donner son consentement à l’utilisation du dispositif.
À la demande du bureau d'attribution , le service d’administration des soins à la personne de la municipalité a rendu sa décision au gouverneur, conformément à la loi, sur les droits des patients et des utilisateurs, et concernant la question de compétence en matière de consentement.
Il a été décidé qu’il n’était pas nécessaire d’évaluer la compétence de Terje à consentir au traitement. En outre, le gouverneur a précisé qu'il est important que les personnes souffrant d’une déficience intellectuelle aient les mêmes droits que les autres citoyens. RoomMate a donc été installé chez Terje en complément d'autres technologies (système de notification d’alerte pour le patient et alarme en cas de crise d'épilepsie). Ce dernier a également demandé à ce que les supervisions physiques de nuit soient remplacées par des supervisions numériques afin de pouvoir placer lui-même sa confiance dans le dispositif.
[1] NDT : En Norvège, Le bureau d’attribution est un service administratif du département de santé et des soins des municipalités. Sa mission principale consiste à répondre aux questions, conseiller et traiter les demandes de services de santé et de soins.
Les avantages de la supervision digitale
Depuis lors, aucun incident n’a été enregistré et Terje estime que le dispositif dont il profite désormais lui apporte la sécurité, contribue à une bonne prise en charge de ses soins et répond à ses besoins. Il dispose de plus d'intimité au quotidien, malgré les nombreux soins dont il est tributaire. Son repos nocturne s’est lui aussi amélioré, ce qui est important pour réduire l’étendue de ses crises d'épilepsie.